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Boule de vie, liberté d'esprit et de corps, de la douceur ou pourquoi devrais-prendre soin de moi alors que je suis boulimique?

De la douceur! ou « Pourquoi devrais-je prendre soin de moi alors que je suis boulimique »?

Comment peut-on être doux(ce) envers soi-même, quand on a l’impression que l’on n’est jamais capable d’atteindre ses objectifs? La douceur, la bienveillance, le bien-être, ça se mérite, n’est-ce -pas?

Lorsque j’étais encore boulimique active et que l’on me faisait remarquer que j’étais trop dure ou trop violente envers moi-même, je me disais toujours : « de quel droit serais-je douce avec moi-même, alors que je suis incapable d’atteindre un seul de mes objectifs, que je ne peux pas passer une seule journée sans craquer, que je suis grosse, adipeuse, moche, dégueulasse, impure, maladroite, mal foutue».

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Je suis encore loin d’avoir atteint un niveau d’auto-estime pleinement satisfaisant, mais aujourd’hui, écrire ces mots me fait littéralement frissonner d’horreur. Leur degré de violence me semble inouï.

Comment peut-on s’en sortir lorsque l’on s’adresse de tels messages en permanence ? C’est tout simplement une invitation au désespoir.

Pendant des années je me suis dit que si je me faisais du bien, cela revenait implicitement à me complaire dans mon incapacité totale à progresser et à m’améliorer. Par exemple me reposer, m’offrir quelque chose d’agréable (qui ne soit pas de la nourriture), c’était dangereux, parce que cela me déviait de ma bataille contre ma consternante médiocrité. C’était me résigner, baisser les bras. Or, je ne pouvais pas me le permettre, puisque j’étais si nulle et insignifiante.

Lorsque par accident il m’arrivait de vivre des moments de supposé bien-être (un bain, une jolie promenade, ou n’importe quel petit instant de grâce du quotidien), je les subissais avec beaucoup de stress et d’angoisse. Je les pratiquais comme une sorte de transgression, m’y adonnais machinalement et hâtivement, clandestinement, en m’empressant de surtout tout gâcher une fois la chose accomplie (par exemple, fumer un paquet de cigarettes entier en quelques heures après une séance chez l’esthéticienne).

Lorsque je faisais quelque chose de doux pour moi, je me disais :

«  Bravo, ma grosse, tu as raté ta journée ; au lieu de travailler autant que prévu, tu t’es empiffrée ; tu n’as pas été foutue de bouger ton gros cul et d’aller en sport ; tu n’as pas accompli un dixième de ce que tu avais prévu ; tu n’es qu’un gros tas dégueulasse et maintenant, en plus, tu te récompenses pour tes échecs. Continue comme ça et tu peux être sûre que tu ne t’en sortiras jamais. » (Mais quelle violence. Je vous assure, cela me coûte terriblement d’écrire ces mots. C’est terrible de se traiter comme ça. Pourtant c’est ce que l’on fait tous(tes) lorsqu’on est addict à la nourriture, non?)

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« Prends soin de toi! »

Rien ne me mettait plus en rogne que d’entendre : « prends soin de toi ». Mais vraiment, ça m’énervait terriblement. Je trouvais ça creux, naze, hypocrite. Pour moi c’était la pire des formules amicales. Je ne voyais même pas ce que ça voulait dire. Je me disais : « cool pour toi si tu as envie de prendre soin de toi, mais moi je n’ai pas que ça à faire. J’ai une bataille à mener. »

Après plusieurs mois de réelle remise en question, sincère et permanente et après plusieurs groupes de thérapie, j’ai commencé à me rendre compte avec terreur de la violence que je déchaînais en permanence contre moi-même. Je ne connais absolument personne à qui j’aurais envie de proférer ne serait-ce qu’une infime parcelle des paroles que je m’adressais à moi-même. Et pourtant, lorsque l’on se répète des messages comme ceux-ci toute la journée, cela revient exactement au même que si nous vivions en permanence avec une personne qui passait son temps à nous rabaisser. Les personnes qui vivent une relation de ce genre cela deviennent complètement déprimées et il n’est pas rare qu’elles se suicident ou mettent des années à se remettre des dégâts causés. Or, le fait de s’adresser soi-même ces messages ne les rend pas moins nuisibles.

A chaque fois que vous avez envie de vous parler comme ça à vous-même, imaginez que quelqu’un d’autre vous adresse ces paroles. Même effet.

Ma croisade pour l’idéal

Avant de prendre du recul sur ma situation, je n’avais jamais eu particulièrement l’impression de me faire du mal. Au contraire, je trouvais que cette « auto-discipline » n’était que le prix à payer pour une conduite paresseuse, faible, dénuée de volonté.

Avec le recul, je me dis que ma conduite était totalement rationnelle, puisque j’étais intimement persuadée que le bien, c’était de me contrôler toute la journée, de travailler d’arrache-pied, tout en gardant le sourire, d’être « la » fille cool et détendue, mais en même temps intelligente, rigolote et sportive. Sincèrement, je ne savais pas tellement ce que ça voulait dire, mais je savais que de toutes façons j’en étais très loin et que je devais me faire violence pour atteindre cette espèce d’idéal auquel je n’avais en fait jamais vraiment réfléchi.

Le mal, c’était d’être incapable d’accomplir le million de tâches que je me fixais tous les jours, de craquer, d’être à mille lieux de l’image parfaite à laquelle je devais correspondre.

Dans ce beau programme, je ne laissais aucune place à la créativité, à l’intuition, au ressenti, qui de toute façon étaient à mes yeux des concepts bourgeois, superficiels, inutiles. Mes émotions étaient nécessairement dévastatrices, destructrices, excessives, à force d’être niées sans cesse.

La douceur, ça se mérite ?

L’ancienne version de moi-même était persuadée que l’auto-indulgence n’était pas un dû et que rien n’était plus conditionnel que l’amour-propre. Pour moi, lorsque l’on atteignait ses objectifs, alors on pouvait s’autoriser un écart de conduite (ça restait transgressif, malgré tout!) et faire preuve d’un peu de bienveillance. Bien évidemment, je n’avais pas vraiment d’objectifs au sens propre, si ce n’est de me prouver que je n’étais bonne à rien, nulle en tout. Je m’en voulais tout le temps, je me fixais des missions perdues d’avance, complètement irréalisables et je me détestais tout le temps : avant d’avoir entrepris quoi que ce soit ET après avoir « échoué ». Je n’étais jamais satisfaite de moi-même. Et finalement, mes seules parenthèses de douceur étaient mes crises de boulimie. C’étaient mes seuls vrais moments de lâcher-prise. Absolument toutes les autres activités que je pratiquais (toutes!) s’accompagnaient d’un intense bavardage mental anxiogène et auto-destructeur.

A chaque preuve de faiblesse ou de fragilité, je redoublais de haine à mon égard et pour rattraper mon « retard », je m’infligeais des objectifs encore supérieurs.

Par exemple, après avoir passé des semaines à faire plusieurs crises de boulimie non vomitive quotidiennes et à fumer au moins deux paquets de cigarettes par jour, je décidai qu’il était temps de me reprendre en main, radicalement.

Je m’octroyais toujours une dernière journée de « décadence » (comprendre : routine quotidienne inchangée, à base de crises de boulimie et de cigarettes), parce que le lendemain, c’était nouveau départ! Au lendemain de cette ultime journée orgiaque, je me fixais comme objectif de courir 50 minutes, puis de faire 20 minutes de renforcement musculaire tous les matins de ma vie. A jeun. En me levant à cinq heures. Et ensuite, je devais suivre un régime drastique toute la journée. Et aussi, je devais être productive dans mon travail, bien sûr.

En général, j’arrivais à courir 40 minutes, en mobilisant toutes mes forces parce que j’étais très essoufflée, avec ma dizaine de kilos pris en quelques semaines et mes centaines de clopes dans les poumons. « Échec » numéro un. Moi et ma pauvre carcasse n’avions pas été foutues de courir les cinquante minutes réglementaires. Je m’obligeais donc à faire dix minutes de renforcement musculaire de plus. Évidemment, au bout de quinze minutes d’abdos-squats-fentes-pompes, je n’en pouvais plus, mais je rallongeais sans cesse mes exercices. Toute la journée ensuite, je ne mangeais rien, ou alors uniquement des repas de régime. Et de préférence hyper contraignants à préparer, sinon la vie était un peu trop facile.

Par exemple, j’avais trouvé un programme d’amaigrissement qui prévoyait des smoothies et des jus maison quotidiens. C’était long à préparer et ça me mettait en retard, mais je le faisais, parce qu’on n’a rien sans galérer dans ce monde. J’avalais d’un trait mes breuvages et me dépêchais de partir en cours, encore toute suante de ma séance de sport et frôlant le malaise dans le tram bondé et surchauffé. A cause de tout ce programme, j’arrivais très en retard en cours, mais j’étais relativement fière de moi, parce que j’avais plus ou moins tenu mes objectifs. Comble de l’indulgence, je m’autorisais à rattraper le lendemain matin tout ce que je n’avais pas réussi à faire le jour même (en me levant à 4h si besoin).

Bien évidemment, au bout de quelques jours de vie en apnée, je finissais par craquer : réveil superbement ignoré, séchage de plusieurs cours, crises de boulimie, alcoolisation et re-crises de boulimie. Et c’était le début de plusieurs jours de chute. Avec le recul, j’étais bien sûr simplement épuisée, mais je crois que j’étais davantage fatiguée par mon anxiété et le fait d’être sous tension pendant plusieurs jours et par la peur (la certitude) de l’échec, que par mon programme en lui-même. Plus je sombrais, plus je me maudissais et plus je me brisais moi-même. Quoi de plus normal? J’étais nulle, sans volonté, une grosse dinde toute molle incapable de respecter ses propres choix.

J’ai donné l’exemple du sport, mais c’était la même chose avec mes études (trois heures de révision dans la bibliothèque universitaire froide et déprimante tous les soirs), mes sorties (je sors, mais je ne bois pas une goutte d’alcool, je ne mange pas une miette et ne fume pas une seule cigarette), ou mes relations amoureuses (je ne regarde pas mon téléphone avant quatre heures, j’attends trois heures avant de répondre).

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Comment ai-je mis fin à ce cauchemar ?

Repenser à ces années me donne un drôle de vertige. Comment ai-je mis un terme à cette drôle de compétition à adversaire unique, déprimante et perdue d’avance ?

Plus on a mal, plus il faut être doux

C’est comme une loi de physique. Plus on souffre, plus il faut prendre soin de soi.

Si je vous dis par exemple que vous devez respecter et aimer vos boulimies parce qu’elles vous sauvent la vie, ça semble dingue, mais c’est la vérité. Si vous ne faites pas de boulimies alors que vous en avez besoin vous allez tout simplement péter un plomb. C’est vrai que les boulimies sont des épreuves pour le corps, bien sûr. Mais manger, pour le moment, c’est la seule solution qu’ont trouvé votre corps et votre esprit pour ne pas craquer sous la pression de cette anxiété et de cette angoisse qui vous habitent sans cesse. Les boulimies ne sont pas des solutions satisfaisantes pour toute une vie, on est d’accord. Mais pour le moment, c’est tout ce que vous avez pour vous protéger, pour avancer. Pour vivre une vie plus ou moins « normale », en gardant la tête hors de l’eau. Ok, disons plutôt pour tenir bon.

Lorsque vous aurez trouvé une solution à vos problèmes de personnalité (car le problème dans la boulimie, c’est tout sauf la bouffe), en remettant en question vos certitudes, en vous ouvrant l’esprit et en vous affirmant dans le respect de l’autre, vos boulimies partiront toutes seules.

Arrêtez de vous haïr : vous avez LE DROIT de vous préserver

En attendant, arrêtez de vous faire du mal et de vous blesser pour vous punir de quelque chose que vous n’avez pas commis. Si vous n’avez pas l’énergie pour faire du sport, faites ce qui vous plaît à la place. Même si ça ne vous paraît pas raisonnable, pas sain, ou pas comme il faut. Lorsque vous aurez l’énergie pour faire du sport, vous le ferez de vous-même et même avec plaisir.

Si vous êtes obligé(e) de faire quelque chose de pénible, comme remplir des papiers, rendre quelque chose pour le travail, passer un coup de fil et que cela vous glace, faites au mieux, mais faites juste ce que vous pouvez.

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La vie apporte d’elle-même son lot de contraintes et de violence. Vous, vous avez le devoir de vous préserver.

Si votre corps ou votre inconscient ressentent un besoin quelconque (et que vous parvenez à vous en rendre compte, ce qui n’est pas évident quand on se nie totalement pendant des années), n’ayez pas la prétention de savoir mieux qu’eux ce qui est bon pour vous, parce que vous finirez par le payer par une grosse déprime, un mal-être, des boulimies démultipliées, ou tout autre manifestation de souffrance.

Ce que je vais dire peux faire peur : si vous n’êtes pas doux(ce) envers vous-même, personne ne le sera à votre place et vous vous retrouverez seul(e) avec vos problèmes, sans même savoir d’où ils viennent. Et quand vous vous serez trop abîmé(e) émotionnellement, personne ne pourra vous aider. C’est dur (pour moi aussi) de le reconnaître, mais c’est indispensable.

Lorsque l’on commence à être indulgent envers soi-même, au début on peut avoir l’impression que la situation nous échappe, on peut avoir l’impression de se laisser aller, alors qu’en fait on fait tout le contraire : on a le courage de prendre soin de soi. C’est déstabilisant. On a l’impression de perdre pied, de gâcher des efforts, de renoncer à quelque chose. C’est difficile. Mais c’est transitoire.

Et c’est le premier pas vers l’écoute de soi et la seule possibilité pour ne plus avoir besoin de la boulimie pour garder la tête hors de l’eau. Faites vous confiance. Au final, votre corps et votre inconscient ne vous feront jamais tendre sans raison vers des comportements et des choix qui vous mèneraient à votre perte ou à votre auto-destruction.

Aller mieux et se libérer de son addiction à la nourriture, ça commence par lâcher sa volonté forcenée d’accomplir des objectifs absurdes et inappropriés. Et ce n’est pas de la faiblesse, c’est du courage.

Pour ma part, je ne peux pas dire que tout soit parfait aujourd’hui. Je continue à me remettre en question et à m’interroger tous les jours, sans exception. Je me surprends encore à me critiquer ou à agir selon mes conceptions rigides, mais ce n’est pas grave. Tout ira bien, d’une manière ou d’une autre.

Pour vous aussi 🙂

❤️ Masha

 

 

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