NB: Dans cet article, ainsi que dans tous les contenus de Boule de Vie, le terme « boulimique » désigne les personnes obsédées par la nourriture, peu importe qu’elles fassent de nombreuses crises ou non, peu importe qu’elles se fassent vomir ou non.
Parmi les idées reçues les plus communément répandues dans l’imaginaire collectif sur les boulimiques, on trouve des choses comme :
BEN NON !
La réalité est un peu plus compliquée que cela.
Certes, une « crise de boulimie « , c’est manger beaucoup, très vite. Mais, paradoxalement, ceci n’est qu’un détail.
Ce qui est important, c’est ce qui se passe concrètement dans la tête des personnes boulimiques au quotidien.
Quand on est boulimique, on est presque comme tout le monde.
De l’extérieur, on donne l’impression d’être des personnes plutôt équilibrées, qui savent où elles vont, assez à l’aise en société et qui se débrouillent bien – voire parfois très bien – professionnellement.
En fait, les personnes sujettes aux troubles alimentaires sont un peu comme des aliens parmi les humains : tout en ayant l’apparence et les attributs de la normalité, elles ne se sentent pas totalement à leur place.
La plupart du temps, tu commences la journée dans un état plus ou moins normal.
Même s’il t’arrive de te lever en étant déjà dans un état d’agitation ou de déprime avancées, tu te sens généralement suffisamment fort(e) à ce stade pour avoir l’illusion qu’aujourd’hui, tu résisteras aux assauts de la nourriture, quoi qu’il arrive.
Chaque jour donc, nouveau départ, remise à zéro : si tu n’es pas déjà complètement déprimé(e) en te levant le matin, tu ne penses qu’à une chose :
Toutes ou la plupart tes pensées quotidiennes tournent autour de la nourriture et de ton poids :
Pourtant, au fil de la journée, la tension monte et chaque événement qui « cloche » ou vient heurter ton espace vital augmente un peu plus ton état d’agitation nerveuse : un regard de travers, un bonjour pas suffisamment chaleureux, des ruminations sur des conversations passées ou tout simplement des pensées négatives sur toi-même.
Alors que tu résistes très fort, le moindre « coup de vent » peut te faire chavirer en une seconde.
Parfois, sans même qu’il ne se soit passé quoi que ce soit de tangible, tu te mets à déprimer, à te sentir très vide et/ou très agité(e).
Tes pensées, ce bourdonnement mental incessant et envahissant te met à genoux tout doucement, au fil des heures.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette activité mentale ne comble pas ton monde intérieur : au contraire, ces pensées envahissantes créent en entretiennent un profond sentiment de déconnexion de la réalité terriblement angoissant. D’ailleurs, tu dis souvent que tu ne te sens pas dans ton corps, dans ta propre vie.
Pour les personnes qui n’ont jamais vécu elles-même l’obsession alimentaire (boulimie, hyperphagie), il est presque impossible de comprendre cette dualité, ce fragile équilibre dans lequel se maintiennent les personnes sujettes aux TCA.
D’un côté, on fournit une énergie inouïe pour donner l’apparence de gérer son quotidien, entretenir un masque de personne forte, indépendante, qui « assure »… de l’autre, on vit la plupart du temps dans une profonde détresse psychique, émotionnelle et physique.
Tout le monde, absolument tout le monde, a des passages à vide. Seulement, chez les personnes addicts à la nourriture (tant qu’elles n’ont pas encore les outils pour aller mieux), la vie est comme un grand passage à vide permanent, entrecoupé de quelques moments d’ensoleillement. Comme la situation n’est pas toujours dramatique au point de ne plus supporter la vie (parfois si, malheureusement) et, dans la mesure où les personnes boulimiques comme leur entourage ont tendance à sous-estimer ce qui se passe, celles-ci gardent le cap tant bien que mal et font illusion, parfois à merveille.
On peut être gourmand dans ses crises de boulimie, ou simplement engouffrer n’importe quoi au hasard ; on peut se faire vomir à l’issue d’une crise ou pas ; on peut se faire une violence énorme pour résister à une crise de boulimie.
En fait, peu importe quand on mange, ce que l’on mange et, peu importe qu’on le vomisse ou non : ce qui fait d’une personne qu’elle est boulimique, c’est l’obsession permanente qu’elle a pour la nourriture.
Une personne constamment obsédée par la nourriture et se situant dans un état d’agitation nerveuse diffuse ou extrême, mais qui ne fait pas de crise de boulimie parce qu’elle parvient à se faire violence est tout simplement… un(e) boulimique qui ne fait pas de crises.
Pour autant, son quotidien n’est que violence et souffrance.
Après chaque crise, quand bien même la détermination de ne pas recraquer est forte, la personne boulimique reprend inéluctablement le chemin glissant qui la mène vers la prochaine crise.
Quoi qu’elle fasse, elle retombera dans les prochaines minutes, heures, jours ou semaines.
Et cela reste le cas tant qu’elle n’a pas compris que le problème n’est PAS alimentaire, qu’il ne s’agit PAS d’un problème de volonté mais que cela résulte de son sentiment profond d’insignifiance et de vide intérieur et d’une multitude de croyances très ancrées, qui rendent le quotidien extrêmement pénible à supporter.
Tant qu’on n’a pas réglé les racines de son mal-être profond (dont parfois, on n’a même pas conscience, puisqu’on pense, à tort, que notre seul problème dans la vie, c’est la boulimie), on a guère d’autre choix que la boulimie pour éviter de sombrer dans une énorme dépression.
Paradoxalement, elles permettent de garder la tête hors de l’eau, de reprendre ponctuellement son souffle, à défaut d’être capable de ne plus vivre en apnée.
Une première étape consiste donc à arrêter de s’en vouloir ou de penser qu’on a un quelconque contrôle sur les crises.
C’est complètement illusoire.
La volonté n’a rien à voir avec tout cela, car il s’agit d’une véritable addiction.
On peut empêcher les symptômes de l’addiction (= la crise de boulimie) de se produire, mais c’est au prix d’énormes efforts et on n’en reste pas moins addict et en apnée totale.
Guérir de la boulimie, ce n’est pas trouver des moyens de faire moins de crises, c’est
se libérer de l’obsession alimentaire elle-même.