Personnalités atypiques : Quand le confinement est un soulagement
On s’est beaucoup soucié, depuis le début de ce confinement, de la manière dont les personnes sujettes aux troubles alimentaires allaient gérer cette période potentiellement angoissante.
Ce qui est beaucoup ressorti de mes divers entretiens de ces dernières semaines, avec mes clients, comme avec d’autres personnes touchées par la boulimie ou l’hyperphagie, c’est que le plus angoissant n’est pas tellement de ne PAS sortir, en soi, mais de savoir qu’on n’a pas le choix. C’est le côté imposé qui coince et qui angoisse.
Rester chez soi par choix ou par obligation, ce n’est pas du tout la même chose et l’idée même de contrainte peut se révéler angoissante.
Et pourtant, j’ai découvert aussi que ce côté « on n’a pas le choix » pouvait être source d’un grand soulagement pour les personnalités atypiques – hypersensibles, introvertis, borderline, etc. Oui, je mets tout le monde dans le même panier, c’est plus facile comme ça.
Il semblerait déjà que, de manière générale, tout le monde se soit un petit peu apaisé.
L’angoisse et l’incertitude des premiers jours ont cédé à des prises de repères : même si ce n’est pas optimal, même si on préférerait sortir et faire ce qu’on veut, on a pris quelques habitudes et on fait avec.
Il est clair que l’absence de visibilité et de clarté sur la date de fin exacte est compliquée à gérer, mais tout le monde semble tenir bon.
Dans les différents groupes que j’ai animés depuis le début du confinement, on a beaucoup parlé angoisse, incertitude, craintes.
Mais pas que.
Pour certaines personnes, ce confinement est un soulagement.
Une pause généralisée, une parenthèse mondiale, qui leur donne le temps, le droit et l’espace mental d’avancer à leur rythme, pendant que le reste du monde fonctionne au ralenti.
Certaines personnes ont pu me dire :
« Comme je ne peux pas télétravailler, je ne travaille pas, donc je m’occupe seulement de moi et c’est vraiment merveilleux, de pouvoir être complètement autocentrée, sans m’en vouloir de ne pas être en train de faire quelque chose de plus productif.
Je prends le temps de faire toutes les choses que je m’interdis de faire d’habitude, parce qu’elles ne sont pas productives – je prends de longs bains, je joue à des jeux vidéos, je regarde des séries, je bouquine, je cuisine des trucs improbables – et je me rends compte du bien que ça me fait. Avant, je ne les faisais pas forcément, parce que ça m’angoissait trop de me dire que j’étais censée faire autre chose à la place.
J’avance aussi, je réfléchis vraiment à mes projets de vie, mais je le fais sans urgence, à mon rythme.
Moi, je n’ai pas tellement hâte que ce confinement se termine, en fait. »
Pour avoir échangé avec de nombreuses personnes diagnostiquées borderline, il ressort aussi parfois le constat suivant :
« J’ai l’impression que pour une fois, le reste du monde comprend ce que je vis. Pour moi, le confinement, c’est tout le temps. Honnêtement, ce qui se passe là, ça ne change pas grand-chose à ma vie. Enfin, si un peu : je suis soulagé de savoir que les autres vivent la même chose, que pour une fois, le monde n’est pas en train d’avancer à toute allure pendant que je moi je suis seul chez moi, à batailler avec mon quotidien. »
C’est comme si ce ralentissement général imposé forçait le monde à se mettre à un rythme plus adapté aux personnes introverties, hypersensibles, ou qui éprouvent des difficultés à lier des relations.
« Tout cela me donne la sérénité d’esprit pour avancer dans ce qui compte pour moi, sans avoir tout le temps l’impression d’être en retard, ou pas à ma place. Je n’ai pas le choix, personne n’a le choix et c’est extrêmement déculpabilisant. Il y a un côté salutaire pour moi. «
Alors, si je peux vous ôter d’un doute, il n’y a pas deux camps : les personnes qui détestent le confinement et les personnes qui adorent ça. Les personnes qui tiennent ce discours peuvent AUSSI éprouver de l’angoisse devant la situation. Les deux ne sont pas exclusifs. Cela dépend des jours, de l’état dans lequel on se sent.
Mais ça ne fait pas de mal de trouver aussi un peu de réconfort à tout cela.