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Je n’arrive pas à prendre soin de moi

J'aimerais prendre plus soin de moi, mais je n'y arrive pas.

Cet article, en résumé :

 

Pour les personnes très anxieuses (ce qui est presque toujours le cas des personnes sujettes aux troubles alimentaires) prendre soin de soi au sens « se détendre », ne rien faire, flâner sur la plage, bouquiner, se faire les ongles, peut être très angoissant voire violent

Dans ce post, je voudrais rassurer ces personnes en leur montrant qu’elles ne sont pas seules à vivre ça et que c’est ok qu’elles ne parviennent pas à se détendre selon des modalités dictées par l’extérieur et résultant d’une construction sociétale. 

Le soin de soi tel qu’on l’entend généralement et, surtout, quand il s’adresse aux femmes, rassemble essentiellement des actions productives (au sens de « faire des choses dans un but particulier ») et parfois oppressives.  

D’ailleurs, il y a comme une confusion des expressions : prendre soin de soi, ça veut dire à la fois être dans le care vis-à-vis de soi-même, se porter de l’attention, mais c’est aussi s’entretenir, mettre de l’attention sur son apparence, s’administrer des traitements.

Dans un référentiel chargé d’injonctions faites aux femmes, la polysémie du terme « soin » révèle une réalité dans laquelle des apparences de soin de soi camouflent des gestes potentiellement oppressifs, coûteux, voire même douloureux.

Extrait d'un échange en séance

Consultante : « J’ai l’impression de prendre soin de moi parce que je me fais des masques, je me fais les ongles. »

Thérapeute : « Et tu le fais avec quelle intention, quel élan ? Ça te procure quoi, de faire ces gestes ? »
 
Consultante : « Mon masque, je le pose en espérant améliorer ma peau, c’est tout. Mes ongles, je les fais faire pour avoir de jolies mains féminines. Mais clairement, mon masque, je l’applique, puis je vais faire autre chose d’utile. Je ne reste pas là à chiller sans rien faire. »
 
Thérapeute : « Ce serait comment, de chiller sans rien faire ? »
 
Consultante : « Ah non, mais ce n’est même pas la peine. Tout ce que je veux, c’est que le masque fasse son taf. Je ne tire aucun plaisir dans le fait de rester là à attendre que mon masque agisse. Je ne vois pas l’intérêt. D’ailleurs, quand je vais me faire les ongles à l’institut, je suis super angoissée, c’est la torture. Je reste au moins une heure pendant que la prothésiste me pose les ongles, le temps me paraît tellement long. Je ne fais que penser à faire des crises à ce moment-là. »

Prendre soin de soi ou chercher à "s'arranger" ?

Cette jeune femme, comme tant d’autres très angoissées et sujettes aux troubles alimentaires, s’administre ces soins comme on prend des médicaments.

Il n’y a pas d’élan du coeur, de sens profond, de connexion à soi, derrière.

Le but n’est pas de passer un moment doux, mais d’améliorer son apparence.

Si elle pouvait claquer des doigts et être manucurée automatiquement, elle le ferait.

Je dis « cette jeune femme » et « d’autres personnes », mais j’ai été cette jeune femme moi-même. Je m’infligeais tout un tas de rituels parce que j’avais intégré qu’une femme doit prendre soin de soi, donc s’entretenir, se « faire belle » (se FAIRE belle, tiens, c’est pas anodin comme expression). 


Et en même temps, comme dans l’imaginaire collectif, tous ces rituels (coiffure, épilation, manucure, gommage, crème après la douche, crème anti-cellulite, soin des pieds, des mains, masques, que sais-je encore) renvoyaient à une idée de « temps pour soi », je me faisais croire que c’étaient mon temps à moi, mon moment off. 


En réalité, je détestais m’imposer tout ça, mais je ne me l’avouais pas. 

Ou plutôt, je me demandais sans cesse ce qui clochait chez moi, pourquoi « comme toutes les filles normales » (!) je n’adorais pas faire toutes ces choses).

Dans ces simulacres de soin de soi, on s’administre ces rituels pour correspondre à quelque chose, pour être moins ceci ou plus cela. Cela n’a rien à voir avec l’idée qu’on pourrait se faire du « vrai » soin de soi, qui partirait d’un endroit où je suis 100% valable et je me fais du bien comme je l’entends, en me faisant les ongles si j’en ai envie, en me posant un masque si j’en ai envie, ou en ne faisant rien de tout ça, si j’en ai envie.
Une autre consultante m’explique : « Quand je vais chez le coiffeur, je trouve le temps super long. Je pense à un million de trucs.
Quand j’entends des personnes dire que c’est leur moment détente, je ne comprends pas. Pour moi, c’est juste du temps perdu, ce n’est pas du tout de la détente. Et puis surtout, mon cerveau n’arrête pas de turbiner pendant ces moments-là. Les personnes qui arrivent à « prendre soin d’elles », ça m’angoisse. Moi, je me sens trop angoissée pour faire ça tout le temps.« 

Des injonctions déguisées en "temps pour soi"

Il y a une charge injonctive derrière. Réaliser une certaine image de la femme : 

être toujours au top, toujours performante, toujours nickel.

Moi c’était mon grand fantasme, d’être la fille toujours nickel, dont l’appart est toujours super rangé, prêt à recevoir de la visite (compliqué pour une TDAH….), toujours épilée, toujours coiffée, toujours parfumée, les ongles toujours manucurés.
 
Quand je lisais des descriptions comme ça dans les romans ou les magazines féminins, ou que je croisais une personne qui correspondait à cet image, j’en avais des frissons d’envie.
 
C’était le Saint-Graal, l’incarnation même de la féminité accomplie.
 
Avec le recul, je vois bien que la nana toujours nickel, dans mon esprit inconscient, c’était la nana qu’on aime forcément. Qu’on ne peut pas rejeter. Et qui ne peut pas éprouver de honte, puisque tout est sous contrôle.
 
J’étais donc toujours à l’affût de techniques et de conseils pour être « toujours nickel ».
 
Je me faisais violence pour coller au maximum (en vain, souvent) à ce modèle. Et je n’hésitais pas à dépenser de l’argent pour me rapprocher de ce fantasme (faudra que j’écrive quelque chose sur la charge financière de l’injonction à la « féminité »)
 

Soin de soi, pseudo-détente et angoisse de ne rien faire

 Bref. Revenons-en aux partages de mes consultantes. Je vois différentes choses derrière.
 
Les injonctions à s’infliger des rituels, en les faisant passer pour du temps libre et de détente en plus, ça, j’en ai un peu parlé.
 
Mais je vois d’autres sujets aussi : l’angoisse, la chronophobie, l’absence constante de tranquillité intérieure, propre aux personnes sujettes aux troubles alimentaires.
 
Avec ces questions permanentes, lancinantes, qui font que chaque moment inoccupé est une torture : suis-je au bon endroit ? Au bon moment ? Qu’est-ce que je fais après ? Il faudra que je fasse ceci et cela.
 
L’obsession constante d’être en action pour devenir une meilleure version de soi, être tout le temps « au top ». Forme de syndrome d’un mental sans repos.
 
Je me remémore souvent l’époque où, travaillant dans la marine nationale, je gagnais beaucoup de sous et faisais des escales, lors desquelles je pouvais loger dans de supers hôtels et recevoir des soins pour très peu d’argent.
 
Je me souviens avoir angoissé terriblement pendant ces soins et massages. Même là, je n’arrivais pas à me détendre. Même là, mon cerveau ne cessait de me tourmenter quant à ce que j’allais faire ensuite.
 
Je repense à des moments où je me suis retrouvée devant de merveilleux paysages, dans des destinations de rêve et où j’angoissais à mort d’être juste là, sur la plage, sans rien faire.

Se reconnecter à ses vrais besoins et élans à soi

Alors, voici ce que j’avais envie de dire :
Ce n’est pas anormal du tout de ne pas aimer toutes ces choses qu’on nous présente comme du soin (le coiffeur, la manucure, le spa, les soins du corps, le make-up, les machin trucs comme ça). Si tu kiffes, c’est cool. Si tu n’aimes pas, tu n’es pas bizarre, en fait.
 
Souvent, mes consultantes me disent : je ne comprends pas ce qui cloche chez moi, je me déteste tellement que je n’ai même aucun plaisir à me faire un gommage ou un soin du visage.
 
Non, ce n’est pas forcément un signe de désamour pour toi. C’est peut-être juste que c’est pas ton truc.
 
Tu as le droit d’être une personne plus active que contemplative. Ce n’est pas forcément un signe que tu ne sais pas lâcher-prise. 

Etre active est peut-être TA manière de lâcher-prise.
 
Et donc si c’est une torture pour toi de rester une heure sur une table de massage, ce n’est pas forcément parce que tu ne sais pas te détendre.
 
Et puis enfin, peut-être que pour le moment, effectivement, tu ne sais pas te détendre, parce que pour ton système nerveux, la détente est une menace.
 
Que tu t’es construite dans une posture de guerrière, active tout le temps et que donc, tu ne peux physiquement pas lâcher-prise ou te détendre.
 
Ça ne fait pas de toi quelqu’un d’anormal.
 
Mais tu ne vas pas pouvoir te forcer à te détendre et c’est logique que tu sois réticente, voire angoissée à l’idée de faire certaines activités qui « t’immobilisent ».
 
C’est en allant visiter les parties de toi qui ont peur de laisser-faire que tu apprivoiseras la détente.

Ça te parle et tu veux aller plus loin ?

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A accepter inconditionnellement TON fonctionnement et à aller voir, s’il y en a, les parties de toi qui ont trop peur de lâcher-prise.
 
A avoir totalement confiance en tes ressentis et tes élans et à ne plus te demander sans cesse si c’est bien de faire ceci ou cela, d’éprouver ceci ou cela.
 
Si tu souhaites rejoindre un de mes accompagnements, consulte la page « Comment travailler avec moi » ou envoie-moi un mail à masha@bouledevie.com

2 Comments

  • Flavie

    J’ai beaucoup aimé lire cet article.
    Ça m’intéresserait beaucoup que tu écrives/décrives sur le TDA/H. Souvent ça m’interroge mais je ne me suis jamais beaucoup penché sur ce sujet.
    Sur la charge financière (et pas que), ça, c’est super cool :

    Le prix à payer: Ce que le couple hétéro coûte aux femmes https://g.co/kgs/sZV54V. de Lucile Quilet.

    Je ne l’ai pas fini (jenesaispasfinirunlivre…) m/ais je le trouve génial ! D’ailleurs elle intervient dans un récent épisode du podcast Bliss-stories, j’ai adoré l’écouter (https://open.spotify.com/episode/3Y1FkSr3eMoVLKNqRfwt1V?si=eiP8UVrFRNmgnHo04aHrWA&utm_source=copy-link)

    • Masha - Boule de Vie

      Merci Flavie pour tes mots!
      Oui, je ferai absolument des posts là-dessus, mais comme j’ai le diagnostic depuis peu (même si j’avais de gros doutes), j’ai besoin de me documenter un peu. Mais je ferai des liens entre TDAH et TCA, clairement.

      Merci aussi pour la référence. J’en ai entendu parler et j’ai à la fois super envie de le lire et peur que ça ne me bouscule trop 🙂 Mais c’est dans ma liste.

      Je vais écouter le podcast.

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