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Minceur Bonheur ?

 Attention, ce post comporte des propos grossophobes

Bien que ce ne soit plus un scoop aujourd’hui, il est bon de rappeler que dans les médias, la minceur est encore largement présente comme une condition du bonheur, de manière plus ou moins directe.

Dans sa version la plus grossière, l’injonction à la minceur s’incarnera dans des pubs de femmes très minces, très lisses, (très retouchées, en fait) et qui ont l’air très, très heureuse. Mortes de rire, même. Et bien sûr, tout est mis en scène pour montrer que leur minceur est un pré-requis indispensable à leur bonheur.

Dans des versions plus soft, les rubriques santé des magazines expliqueront comment se délester de quelques kilos pour être la plus belle sur la place et profiter pleinement de son été (bah oui, parce que si on n’est pas toute menue, on passe forcément un été pourri, hein).

Toutes les femmes que j’accompagne, lorsqu’elles débutent leur thérapie, associent étroitement minceur et bonheur. Elles ne peuvent concevoir la possibilité d’être heureuse en étant grosse, en restant grosse, ou même, tout simplement, en n’étant pas aussi minces qu’elles le souhaiteraient.

 

Pas de bonheur sans minceur ?

Pour moi, être belle, c’est être mince, il ne peut en être autrement. Et être mince, c’est être heureuse. Je ne vois pas comment on peut être pas mince et heureuse. Je me dis aussi que toutes les personnes minces et belles sont forcément heureuses. Ok, elles ont leurs problèmes, comme tout le monde, mais elles au moins elle ont la chance d’être belles et minces, ça aide. J’imagine que tout est beaucoup moins dur pour elles, du coup.

 

Si je suis mince, c’est que je vais bien, si je suis grosse, c’est que je vais forcément pas bien.

 

Chez les personnes très marquées par les injonctions à l’égard des femmes et la grossophobie, je retrouve ce mécanisme très ancré : indépendamment de ce qu’elles ressentent réellement dans leur quotidien, des avancées qu’elles connaissent dans leur vie (une meilleure affirmation de soi, une plus grande connaissance de soi, une meilleure capacité à être en relation, etc), c’est ce critère arbitraire – le poids, la taille de vêtements – qui leur indique si elles vont bien ou pas.

C’est leur poids, leur taille de vêtements, leur niveau de minceur, qui leur dicte si elles sont heureuses ou pas. Pas leur ressenti réel.
A tel point que, si elles ont l’impression d’aller bien, mais qu’elle découvre qu’elles ont grossi, elles remettent forcément en question leur perception des choses à elles. Si leur poids leur dit qu’elles ne vont pas bien, c’est qu’elles ne vont pas bien.

Si je suis grosse, c’est que forcément quelque chose ne va pas dans ma vie.

La minceur, étalon de mesure du bonheur

Ce que je trouve plus frappant, encore, c’est le poids et bien évidemment, la minceur, comme indicateur de bonheur : ce n’est pas ce que je vis réellement, comment je me sens à l’intérieur de moi, qui m’indique si je suis bien ou non, heureuse ou non, c’est mon poids et ma taille de vêtements.

Et si je me sens heureuse mais que je suis grosse, c’est que l’équation n’est pas bonne, j’ai forcément dû me tromper dans mon ressenti de bonheur, puisque mon poids m’indique que je ne vais pas bien.

La dictature du mental

Ici, le poids, c’est comme une tierce personne qui va dire ce qui est juste ou non, vrai ou non. Un peu comme dans tous les autres domaines de la vie d’une personne sujette aux troubles alimentaires : c’est la tête qui décide. Le corps doit s’adapter.

Pour avoir pour la plupart connu l’expérience de la minceur dont elles rêvaient, elles savent très bien qu’elles n’ont pas été plus heureuses à ce moment-là. Ou que leur bonheur découlait d’autres choses et non de leur poids.

D’ailleurs, je propose souvent de se projeter dans ce que ça donne, être très mince.
Vous qui me lisez, vous pouvez faire l’exercice aussi.

Un exercice de projection

J’invite une de mes clientes à imaginer comment c’est, pour elle, quand elle se voit très mince ? Qu’est-ce qu’elle ressent ? Qu’est-ce qu’elle vit ? Quelles sont ses sensations et ses émotions ?

Elle commence par me dire :
« Je me sens épanouie, légère, je peux m’habiller comme je veux et me sentir bien. Je n’ai pas peur qu’on me voit au contraire je veux qu’on me voit. 
Je ressens de la joie et de la fierté. »
La minceur, comme droit d’exister.
La minceur, comme outil de fluidité de l’existence, des rapports sociaux.

Et puis, elle ajoute : « Cependant en imaginant ça je me rends compte que tout ne serait pas parfait :  j’aurai peur de ne plus être aussi mince après, angoissée à l’idée des efforts que je devrai fournir pour conserver ce poids qui n’est en fait pas mon poids de forme. Je me rend compte en plus que même quand je m’imagine mince, mes angoisses sont toujours là, toujours cette peur de l’ennui, cette peur de passer à côté de quelque chose, de ne pas être assez, de devoir faire des choses qui m’enrichissent, qui me font être plus, et plus complète. 
Donc je réalise que ça ne réglerait pas le problème, ce n’est pas la clef de tout. »
Elle réalise par son cheminement que son équation n’est pas juste. La minceur en elle-même, ce n’est pas ça qui rend la vie plus simple. Ce n’est pas ça qui rend heureux, en soi. Eventuellement, le corps peut s’alléger quand on allège sa vie. Mais il ne s’allège pas si je veux le forcer à le faire en imaginant que ça m’apportera la sécurité intérieure dont je suis avide.

Déconstruire la grossophobie

« Je sais que c’est une fausse croyance mais je n’arrive pas à la déconstruire »


Ma réponse, c’est qu’il n’y a pas à se faire violence pour déconstruire (je le rappelle, je suis anti-destruction de fausses croyances).

Observe que tu as ces pensées et ces croyances. Regarde ce que tu te dis des autres femmes, regarde ce que tu te dis de toi. Prends-en note, tout simplement. Sans te juger, sans te dire que tu te trompes, sans te dire que tu devrais penser autrement.

Valider et accepter ce qui est là

La déconstruction passe d’abord par la validation de ce qui est là.

Quand on met de la lumière sur un mécanisme, il ne peut plus fonctionner dans l’ombre, à notre insu.

Alors reconnais que tu as ces croyances et observe comment elles te visitent, dans quel contexte. Valide que quand tu vois une femme mince, tu projettes qu’elle est heureuse. Valide que tu n’aimes pas regarder les corps gros. Valide que quand tu perds du poids, tu t’imagines être plus heureuse. Et vois comment ça fait. Tout simplement. Et c’est bien plus difficile que ça en a l’air. C’est tellement plus simple d’essayer de trouver des solutions pour casser nos pensées, ou nous fouetter avec.

S’il-te-plaît, ne commence pas à te juger d’avoir ces pensées. Tout nous pousse à devenir grossophobes.

Il y a des tas de raisons pour lesquelles plein de ces femmes que j’accompagne associent minceur et bonheur, minceur et réussite, minceur et épanouissement.

La minceur comme signe de réussite dans le marketing

La dimension sociétale – matraquage publicitaire, représentation des corps dans l’espace public, invitation constante à la correction du corps – y est pour beaucoup, clairement.
Mais cette pression sociétale agit d’autant plus efficacement qu’on se sent fondamentalement insuffisante et inadéquate.

Si je crois que je suis dysfonctionnelle, alors je vais constamment chercher à être réparée.
Et comment ne pas croire que je suis dysfonctionnelle, si mon histoire personnelle + la société dans laquelle je vis me le renvoient en permanence ?

La clé : se concentrer sur la sécurité intérieure

Ouais, je sais, je suis relou à parler de ça tout le temps, mais c’est pas pour rien.

A priori, on vit dans le même monde et le même environnement, pétri d’incitations à la minceur et à une apparence lisse, non-humaine.
Tout le monde en souffre, d’une manière ou d’une autre.

Mais comment se fait-il que certaines femmes ne soient pas sujettes à l’addiction aux compulsions alimentaires ? Pourquoi certaines femmes ne sont-elles pas obsédées par leur corps ?

On en revient encore et toujours à cette fameuse sécurité intérieure.

Je ne peux pas empêcher l’environnement d’être comme il est, du moins, j’ai très peu d’impact dessus. Mais je peux consolider ma sécurité intérieure.

Je ne peux pas changer l'environnement mais je peux changer la réponse que je lui apporte

Je reprends une image que j’ai partagée à une de mes clientes il y a quelques jours :
s’il fait très froid dehors, tu peux lutter contre le froid, dire que c’est vraiment dégueulasse et que ça serait mieux autrement. N’empêche que tant que tu continues à sortir en t-shirt par zéro, tu continueras d’avoir très froid.

Par contre, tu peux aussi réaliser que tu n’es pas obligée de sortir en petite culotte, que tu peux rentrer chez toi, dans ton refuge. Que tu as le pouvoir de te trouver des vêtements chauds et de t’équiper pour sortir. Ça n’empêchera pas le froid d’être là, mais il y aura des couches entre lui et ton corps.

C’est pareil avec la sécurité intérieure : le stade collectif auquel nous sommes est encore empreint de jugements, de clivages. L’humain se traite lui-même comme un objet. L’intelligence corporelle est dans bien des cas complètement écrasée au profit de solutions artificielles délirantes. Et la plupart des gens trouvent ça normal.
C’est ainsi, c’est la modalité de fonctionnement actuelle. On s’achemine vers d’autres choses, vers plus d’intérêt pour la personne, pour la vie, mais combien de temps ça prendra, je l’ignore.

En attendant, on peut trouver de quoi se vêtir plus chaudement.

Avec toute ma compassion, 

Masha

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