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boulimie, anorexie, dépendance alimentaire, conseils aux proches

Comment se comporter avec un proche boulimique ?

Cet article s’adresse aux personnes ayant dans leur entourage un proche éprouvant des rapports difficiles avec la nourriture, peu importe que ce dernier reconnaisse être victime de troubles alimentaires ou non.

Si, de toute évidence, la personne dépendante alimentaire, qu’elle soit boulimique ou sujette à toute autre forme de trouble alimentaire, est en souffrance au quotidien, fréquenter une telle personne, surtout lorsque elle nous est chère, peut générer de réels sentiments d’impuissance, de culpabilité et, parfois, d’exaspération.

Même si vous avez parfois l’impression de tout faire de travers avec votre proche boulimique ou anorexique, cela n’est en aucun cas de votre faute.

En tant qu’ancienne boulimique, je sais à quel point j’ai souffert, mais également à quel point j’ai pu faire souffrir mes proches, principalement par incompréhension du problème. Lorsque l’on est boulimique ou anorexique, on a trop à faire avec soi-même pour établir des relations totalement saines avec les autres.

Une fois que vous comprendrez mieux les mécanismes des troubles alimentaires, vos relations avec votre proche addict pourront être plus simples et plus légères. Le temps que la personne qui vous est chère se libère de sa dépendance, voici un article qui vous aidera à adapter votre comportement à son égard.

Mon conseil le plus précieux

Si je ne devais vous donner qu’un seul conseil, je vous donnerais celui-ci :

Contentez-vous d’apporter une présence réconfortante, sans juger ni chercher à aider.

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Ne jugez pas votre proche

Les troubles alimentaires semblent parfois désolants de simplicité. Lorsque l’on n’en souffre pas soi-même, on peut avoir l’impression que la personne addict fait preuve de mauvaise volonté, voire qu’elle se gâche volontairement la vie.
Si vous n’avez vous-même jamais vécu le trouble alimentaire, vous ne pouvez que me croire sur parole : l’addiction alimentaire n’est pas une forme d’addiction secondaire, ou plus facile à vivre que d’autres. Il s’agit encore moins d’un trouble résultant d’un déficit de volonté.

[Voir article: Etre boulimique, c’est quoi? ]

Si les personnes boulimiques ou anorexiques avaient la possibilité de faire autrement, elles le feraient.

Peut-être êtes-vous surpris(e) de constater que dans d’autres domaines de leur vie, elles s’en sortent très bien? Oui, justement!

L’addiction alimentaire est plus forte que la simple volonté : elle n’est ni une mauvaise habitude, ni un signe de paresse.

Même si vous ne comprenez pas vraiment le fond du problème, interdisez-vous de juger et sachez que votre proche boulimique fait ce qu’il/elle peut pour s’en sortir.

Je ne doute pas que vous soyez une personne bienveillante, puisque vous cherchez visiblement à améliorer vos relations avec votre proche boulimique ou anorexique. J’imagine que vous aimeriez sans doute aussi l’aider.

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Comment venir en aide à un proche qui souffre de troubles alimentaires?

En ne cherchant pas à l’aider.

Aussi difficile cela puisse-t-il être à accepter, il vous faut à tout prix arrêter dès maintenant de vouloir aider votre proche, si c’est ce que vous faisiez jusqu’à présent.

Cela peut sembler choquant, je l’entends. Mais chaque fois que vous vous surprenez à vouloir donner un conseil ou une suggestion à une personne souffrant de troubles alimentaires sans qu’elle vous l’ait demandé, même si c’est juste pour être gentil(le), abstenez-vous.

“Oui mais, de toute évidence, cette personne a besoin d’aide !”

En effet, mais pas de n’importe quelle aide. Retenez bien une chose : toutes les personnes boulimiques ont des connaissances étendues dans le domaine de la diététique et de la santé. Elles savent ce qui est bon pour leur corps ou pas, connaissent toutes les astuces minceur du monde. Vous n’avez rien à leur apprendre dans ce domaine-là.

S’il leur suffisait d’appliquer de simples règles de bon sens pour se débarrasser de leur rapport compliqué à la nourriture, elles seraient sorties de leur trouble alimentaire depuis bien longtemps.

Évitez par-dessus tout les conseils ou les suggestions tous faits. Généralement, il s’agit de toutes les phrases qui commencent par “et si” ou “tu n’as qu’à”.

Par exemple :

“Et si, au lieu de faire une crise, tu faisais du sport ?”…

“Si tu ne peux pas t’empêcher de faire une crise, tu n’as qu’à manger que des trucs sains plutôt que des trucs caloriques. Tu n’as qu’à faire une crise de boulimie avec uniquement des fruits et des légumes.”…

“Et si tu essayais de boire un verre d’eau à la place? Souvent, on pense qu’on a faim alors qu’en fait on a simplement soif.”…

“Quand tu as envie de faire une crise, tu n’as qu’à m’appeler à la place.”…

Ou, pire que tout (et j’espère que vous ne le faites pas), la réprimande :

“Tu n’as vraiment aucune volonté”

“Prends-toi en main un peu”

“Arrête de bouffer”

Bien sûr, ce type de “conseils” ou de mises en garde partent d’un sentiment bienveillant. Pour autant, loin d’être réconfortants, ils vous éloignent au contraire de votre proche.

Au-delà des conseils purement nutritionnels, vous pourriez être tenté.e d’inciter votre proche à aller consulter. Je crois que tout ce que vous pouvez faire alors est d’exprimer clairement votre inquiétude, une bonne fois pour toutes, d’expliquer à votre proche que vous aimeriez vraiment qu’il/elle se fasse aider et, à la limite, si vous connaissez quelqu’un susceptible de le faire, vous pouvez lui proposer son contact.

Il est normal que votre proche ne saute pas forcément sur l’occasion, qu’il ou elle semble ne pas prendre au sérieux votre demande, qu’elle ne contacte pas de thérapeute. Sachez que tant que votre proche ne sera pas prêt à se faire accompagner, personne ne pourra rien pour lui/elle.

Pire, il/elle pourrait se sentir contrôlé.e, infantilisé.e et démontrer une forme de résistance. Contentez-vous donc de suggérer l’idée de se faire aider, si cela vous tient à coeur, mais laissez ensuite votre proche faire son chemin avec cette idée. Dans certains cas, renoncer au fantasme de s’en sortir seul.e, par la force de sa volonté, demande un véritable travail de deuil.

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De manière générale, des conseils non sollicités nuisent à la relation

— La plupart des astuces santé et minceur les plus connus sont inopérants chez les boulimiques anorexiques. Un(e) boulimique sur le point de faire une crise ressent une telle agitation nerveuse qu’il/elle est vraiment très loin du verre d’eau, du journal de bord tant recommandé par les diététiciens ou du petit tour dans le quartier “pour se calmer”.

Je ne dis pas que ces conseils sont mauvais en général. Simplement, ils peuvent être efficaces pour une personne qui a un rapport tout à fait normal à la nourriture et qui connaît une anxiété passagère. Pour une personne sujette aux troubles alimentaires, c’est comme proposer d’appliquer un petit pansement sur une plaie béante.

Toutes ces astuces, si simples en apparence, les boulimiques ou anorexiques les ont déjà lues cent fois et se demandent pourquoi il/elles sont incapables de les appliquer et pourquoi elles semblent fonctionner chez tout le monde sauf chez eux/elles. En leur rappelant ces règles présumées “de bon sens”, vous leur infligez sans le vouloir un sentiment de désespoir et de nullité.

— Par ailleurs, des conseils mal placés, surtout s’ils ne sont pas demandés, rendent la relation pesante et vous éloignent de votre proche. La personne qui les reçoit se sent généralement incomprise et, à terme, risque de ne plus se confier facilement à vous. Malgré vous, votre présence devient trop moralisatrice et perd en légèreté, créant une amertume qui érode progressivement le lien qui vous unit.

Dans toute relation en général, à plus forte raison lorsque l’autre personne souffre d’un trouble de quelconque nature, notre rôle n’est pas de lui donner des conseils. Les conseils créent juste un stress inutile et, pire, peuvent inciter à poursuivre davantage dans une voie qui n’est pas la bonne (par exemple, renforcer l’idée reçue selon laquelle on combat la boulimie en s’attaquant aux mauvaises habitudes alimentaires).

« Mais c’est lui/elle qui me demande de l’aide! »

Oui, bien évidemment, les personnes boulimiques (généralement pas les anorexiques), demandent souvent de l’aide à leurs proches. Comme les personnes addict à la cigarette, qui demandent à leurs amis de les empêcher de fumer et font tout pour leur échapper ensuite. Tout simplement, parce que ce n’est pas comme ça que l’on règle un problème d’addiction.

Ainsi, quand bien même, dans un élan de bonne volonté, la personne boulimique vous demande de l’aider (« la prochaine fois que je veux faire une crise, tu m’en empêches”), ne vous engagez pas formellement à quoi que ce soit. Assurez-la simplement que vous serez là pour elle quand elle en aura besoin.

La plus belle chose qu’on puisse offrir à une personne en souffrance, ce n’est pas un conseil non sollicité, mais une écoute réelle, bienveillante et sans jugement.

Essayez, vous verrez, c’est magique. L’un des motifs de souffrance majeurs des personnes boulimiques, c’est le sentiment de ne pas être entendu, ni écouté. En apportant à votre proche boulimique un espace pour s’exprimer, en vous contentant d’écouter sans commenter, sans donner votre avis, vous lui ferez un merveilleux cadeau.

Je préconise toujours aux personnes boulimiques que j’accompagne de ne pas prendre leurs proches en otage, en leur demandant des conseils pour « gérer » leur boulimie. Si votre proche a tendance à faire cela, je vous invite à faire attention à vous : répondez que vous pouvez l’écouter, mais que vous n’êtes pas en mesure de l’aider vous-même et que le meilleur moyen de s’en sortir est de se faire aider par un professionnel. Dans le cas contraire, le risque est que la famille soit impactée par le trouble alimentaire, qui devient un sujet transactionnel constant.

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Apportez une présence réconfortante, mais prenez avant tout soin de vous-même

Assister à la manifestation de l’addiction alimentaire peut être une réelle source d’angoisse : on a l’impression que la personne qui compte pour nous s’auto-détruit et cela peut être douloureux à vivre.

Sachez que vous n’êtes en rien responsable de cette situation et que la dernière à chose à faire est d’ajouter votre propre angoisse à celle de la personne dépendante alimentaire.

— Dédramatisez autant que possible, restez léger, essayez de ne pas trop faire attention à ce qui se passe. Je sais que cela peut paraître compliqué à croire, mais c’est vraiment la meilleure chose à faire : ne donnez pas à l’addiction plus d’importance qu’elle n’en occupe déjà dans la vie de la personne dépendante. Même si vous avez l’impression que cette personne gâche sa vie ou fait n’importe quoi, je vous rappelle qu’elle fait exactement ce qu’elle peut.

Si cela peut vous rassurer, sachez que les personnes boulimiques ont un fort instinct de survie. La boulimie elle-même est un réflexe de rattachement à la vie. Ces personnes peuvent faire « n’importe quoi » pendant quelques temps, parfois pendant de très longues périodes, mais elles retrouvent leurs élans vitaux à un moment ou à un autre.

— Par ailleurs, les personnes sujettes aux troubles alimentaires peuvent être très difficiles à vivre par moments.

Il arrive même qu’elles repoussent leurs proches (parfois avec violence), ou coupent subitement les ponts.

N’oubliez pas de faire avant tout attention à vous et de préserver votre joie de vivre. Le trouble alimentaire s’accompagne d’états d’angoisse et d’agitation nerveuse si présents au quotidien, qu’ils ne permettent pas de prendre soin des autres. Votre proche est tellement préoccupé(e) par sa propre douleur, qu’il/elle n’a pas la possibilité d’entretenir des relations émotionnellement saines pour le moment.

Ne laissez pas l’addiction de votre proche ternir votre propre enthousiasme pour la vie. Vous ne pouvez rien faire pour l’aider, sinon rayonner de votre propre joie de vivre et la laisser gérer ses émotions aux mieux au quotidien, sans la juger, ni la forcer à changer quoi que ce soit.

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En résumé

Prenez de la distance par rapport à l’addiction.

Je conçois qu’il puisse être intolérable de voir son proche boulimique se faire du mal et de lire qu’on ne doit pas l’aider. J’imagine que, lorsque l’on a un enfant boulimique par exemple, il est extrêmement difficile de renoncer à vouloir l’aider et à l’empêcher de faire des crises. Je vous assure que brandir des règles nutritionnelles ne fera que l’éloigner de vous. Laissez votre proche gérer cette partie de sa vie sans interférer, il/elle fait comme il/elle peut.

Si vraiment vous voulez aider, attachez-vous seulement à maintenir une bonne atmosphère à la maison, à en faire un endroit réconfortant émotionnellement, à rester à l’écoute et à essayer de rester léger.

Ne vous en faites pas trop, tant que la situation ne devient pas médicalement alarmante. Je rappelle encore une fois que les boulimiques ont un très fort instinct de survie,… c’est pour ça qu’ils sont boulimiques ! Même si vous avez l’impression que votre proche tombe très bas, ne vous inquiétez pas outre mesure. Restez simplement là pour elle ou lui et ne manifestez pas votre angoisse. Vous pourrez en parler à un moment où les choses seront tassées. Attention, ce conseil vaut si votre proche n’est pas en situation de détresse médicale (extrême maigreur, aggravations liées aux vomissements, etc)

— N’abordez pas de vous-même le sujet du trouble alimentaire.
Si votre proche l’aborde spontanément, apportez autant que possible une oreille attentive et empathique, sans donner de conseils. Si il/elle vous en demande, dites-lui quelque chose comme : “je comprends que ce que tu traverses est vraiment très difficile. Je ne sais pas s’il est possible de l’imaginer tant qu’on ne le vit pas soi-même. J’ai envie d’être là pour toi et de t’aider à prendre soin de toi. Je peux t’apporter de l’écoute, mais je ne pourrai pas t’aider à t’en sortir. Quand tu seras prêt.e, il faudra probablement te faire aider. »

Ne donnez pas de suggestions de conduite alimentaire.

N’essayez jamais d’empêcher une personne boulimique de s’isoler pour faire une crise.

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Suggestions de lecture

Je ne peux que vous conseiller la lecture du “Guide de survie pour vous et vos proches”, de Catherine Hervais.

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