
Boulimie : deux mesures d’urgence pour aller mieux
Lorsque j’étais une “boulimique active”, je me levais tous les matins en me faisant la promesse de ne pas craquer.
Je passais ensuite toute mes journées à ne penser qu’à la nourriture et à mon poids. Durant des années, je me suis fait violence et ai usé d’une volonté inouïe pour essayer d’échapper aux crises de boulimie. Je croyais fermement que c’était ce que je devais faire. Et je me demandais comment j’allais tenir bon comme ça jusqu’à la fin de ma vie.
Ce n’est que lorsque j’ai commencé à lire des ressources sur le sujet et à essayer de prendre réellement du recul que je me suis rendue compte que je m’épuisais dans un combat perdu d’avance. Pendant tout ce temps, je m’étais attaquée à un faux problème : mes habitudes alimentaires. Lorsque j’ai compris et accepté que la boulimie n’est pas un problème alimentaire, j’ai commencé à mettre en œuvre tout doucement les vraies solutions, celles qui m’ont permis de me libérer de l’addiction pour de bon.
Aujourd’hui, je reçois tous les jours des messages de personnes qui sont en plein dans la boulimie ou l’hyperphagie. Une question revient souvent : je commence par quoi ?
Arrêtez de vous battre contre le faux ennemi
En général, cette réponse apporte soit un soulagement énorme, soit beaucoup de frustration et d’incompréhension. Quand on se bat avec son corps et la nourriture, il nous semble évident que l’ennemi est là. Pourtant, tenter de changer ses habitudes alimentaires lorsque l’on souffre de TCA et passer son temps à se retenir de faire des crises de boulimie est comme remonter une rivière à contre-courant : on n’avance pas et on finit par abandonner, complètement épuisé… Croyez-moi ou non, cela peut même être dangereux. Certes, les épisodes boulimiques ne sont biologiquement pas optimaux pour le corps. Mais les boulimies sont comme un fusible qui saute pour permettre à l’organisme de faire une trêve. On fait des crises de boulimie parce qu’on ne dispose pas d’autre moyen de gérer ses angoisses et son anxiété et, à cet égard. Les crises ont une fonction vitale. On a vite fait de croire qu’elles sont le problème, mais elles ne font que vous aider à supporter un mal-être profond.
Je sais bien que ces propos font bondir beaucoup de médecins, mais ceux qui bondissent n’ont sans aucun doute pas vécu la boulimie eux-mêmes.
Je suis surprise, lorsque je parcours les blogs ou les forums de discussion dédiés aux TCA, de voir que beaucoup de monde se concentre sur des sujets comme : quel régime adopter, quel sport pratiquer, quelles astuces mettre en oeuvre pour tromper son corps et l’empêcher de faire des crises.
Souvenez-vous toujours que les crises de boulimie ne sont pas le problème
Je sais que c’est difficile, mais à mes yeux, la première chose à faire est d’accepter la boulimie et d’arrêter de considérer les crises comme le problème.
« Ouais, mais c’est facile à dire. Moi, j’en peux plus de faire des crises tout le temps. »
« Je vois pas comment je peux accepter les crises, alors qu’elles me bouffent tout mon temps, mon argent, ma santé. La boulimie me vole tous mes plus beaux moments. »
« Super, accepter et après quoi ? Du coup je dois passer ma vie à bouffer et me faire vomir ? »
Vous avez vraiment le choix de continuer à vous battre comme vous le faites. Posez-vous simplement deux minutes et voyez si cette résistance vous a apporté quoi que ce soit. Si vous estimez que oui, alors continuez comme cela si cela vous semble juste.
Mon chemin de libération de la boulimie a débuté le jour où j’ai compris ça : la boulimie n’est pas mon ennemie. Mon corps est de mon côté. Je ne dysfonctionne pas, bien au contraire. Mon corps me propose un moyen extrêmement sophistiqué de tenir bon en attendant de prendre soin des parties de moi qui souffrent tellement. J’ai ensuite passé plusieurs mois, années de ma vie à côtoyer les crises, à faire avec. Et rien que ça, déjà, les a rendues moins fréquentes, moins violentes.
En vouloir à votre corps et à votre boulimie, c’est exactement comme si vous en vouliez à votre organisme de vous faire tousser pour éliminer une infection pulmonaire. Ce n’est pas la toux, le problème. Même si elle est douloureuse.
Vous continuerez à faire des crises aussi longtemps que vous essaierez de les éradiquer sans accepter que ce qui est en souffrance, c’est votre vision du monde et de la vie, vos croyances, votre identification à tout ce que vous raconte votre mental.
Ne vous méprenez pas : je ne dis pas que la boulimie et ses manifestations ne sont pas cause de souffrance au quotidien. Je vous assure, je sais ce que c’est, même si aujourd’hui, ça me semble si loin. En aucun cas, je ne cherche à minimiser cette souffrance.
Mais réaliser que la boulimie n’est qu’un symptôme d’autre souffrances vous aidera à laisser faire et à déculpabiliser, conditions indispensables pour trouver l’énergie de vous consacrer aux vrais dysfonctionnements.
Si j’avais eu les bonnes informations dès le début…
J’ai moi-même perdu beaucoup de temps à me battre contre le mauvais ennemi. Si j’avais eu les bonnes informations dès le début, j’aurais su que se dire : “d’abord, j’arrête de faire des crises de boulimie et ensuite, je serais heureux(se) et je pourrai régler le reste” est absurde et ne fonctionne pas.
Je vous propose de vous poser la question suivante :
Qu’est-ce que ça changerait pour moi (ou qu’est-ce que ça a changé pour moi, si vous avez déjà opéré le « switch »), si, au lieu de considérer mes crises de boulimies comme l’ennemi, j’y voyais des alliées ? Si je voyais à quel point elles sont un réflexe de protection, qui m’aide à tenir le coup, tout en attirant mon attention sur ce qui souffre en moi ?
2. A partir de maintenant, faites de votre sérénité mentale votre objectif prioritaire
Usez et abusez de tous les moyens disponibles pour apaiser votre mental. Les ressources sont très nombreuses et il en existe des millions disponibles gratuitement ou à tout petit prix. Peu importe quels sont vos moyens, testez, mais de grâce, faites de votre santé mentale une priorité.
La pandémie et les conséquences du Covid ont attiré l’attention mondiale sur le fait que la souffrance mentale est une réalité, qu’elle touche bien plus de monde qu’on ne l’imagine et que prendre soin de sa santé mentale n’est pas un luxe.
Tout ne « fonctionne » pas pour tout le monde. Parfois, il faut chercher un peu. Hypnose, méditation, relaxation et de toutes les activités ou disciplines connues pour leurs vertus relaxantes. Faites-le vraiment, autant que vous le pouvez.
C’est simple : ces pratiques sont vivement recommandées pour tout le monde. Mais pour nous, boulimiques et autres troublé(e)s alimentaires, soumis à une anxiété et à une nervosité excessives, je recommande non seulement d’y recourir quotidiennement, mais aussi massivement.
C’est un peu comme si votre corps avait naturellement tendance à surchauffer et que vous deviez faire tout votre possible pour le maintenir en permanence à une température raisonnable. Ce n’est pas un luxe ou une petite faveur que vous vous faites : c’est tout simplement vital.
Ce qui m’est, personnellement, d’une aide précieuse
— la sophrologie. Si vous pouvez vous en offrir ne serait-ce qu’une ou deux séances, vous apprendrez des méthodes que vous pourrez mettre en oeuvre à tout moment, y compris dans les situations d’urgence (pas pour éviter de faire des crises de boulimie, mais pour vous libérer d’une anxiété envahissante par exemple) ;
— la méditation et l’hypnose : lorsque je sens que je sature, dès que j’en ai la possibilité, j’écoute un mp3. Si je le peux, j’en écoute plusieurs de suite, jusqu’à ce que je me sente mieux. Aussi longtemps que nécessaire. Vous trouverez des mp3 gratuits en français sur les deux sites suivants:
– free-hypnosis-mp3 (site de Patricia d’Angelli et Olivier Lockert)
– heureux-dans-sa-vie (site de Maxime Gréau)
Si vous souhaitez suggérer d’autres ressources d’hypnose ou de méditation, vous êtes invités à les partager en commentaire :). Il existe d’excellentes applications payantes, mais pour débuter, vous avez largement de quoi puiser dans les ressources gratuites ci-dessus.
Dans les premiers temps, il est souvent extrêmement éprouvant de rester seul(e) avec soi-même. Voire intolérable. C’est normal, persévérez. Si vous ne tenez que trente secondes, ce n’est pas grave. Recommencez plus tard. Trente secondes, c’est mieux que rien du tout. Ce n’est qu’ainsi que vous parviendrez à prendre de la distance à l’égard de vos pensées et à vous rendre compte de leur omniprésence et de leur impact sur votre quotidien.
— Le yoga et l’activité sportive en général : croyez-moi ou non, j’ai hésité à en parler dans cet article. Cela peut paraître fou : tout le monde connaît les innombrables vertus de l’activité physique. Mais je sais aussi que nous, victimes de TCA, avons souvent un rapport relativement violent et coercitif au sport.
Je vous demande vraiment de changer de logique : pratiquez toute activité physique avec l’intention de vous faire du bien, de calmer votre mental et de vous libérer de votre anxiété. Pas dans l’optique de perdre du poids.
C’est très important parce que, dans un cas, vous générerez un stress énorme et produirez des pensées anxiogènes, en laissant votre mental prendre le contrôle ; dans l’autre, l’activité ne sera ni punitive ni stressante. Vous la pratiquerez comme cela vous convient, aussi longtemps que vous en éprouverez le besoin. Et vous arrêterez quand vous sentirez que c’est bon, vous avez apaisé votre mental.
On peut faire du sport intensif pendant deux heures et terminer en étant épuisé physiquement, mais toujours aussi stressé émotivement et mentalement. C’est normal : si vous avez passé deux heures à vous faire violence, le corps et l’esprit vivent un stress énorme.
Revenez sans relâche à vos sensations dès que votre mental s’égare… Sans vous faire violence!
Je vous demande aussi, dès que vous vous rendez compte que vos pensées prennent le dessus, de vous recentrer uniquement sur vos sensations pendant votre activité sportive : centrez vous sur la sensation de vos muscles, de votre respiration, de votre température corporelle. Peut-être mille fois votre mental reviendra-t-il vous tourmenter : à chaque fois, gentiment, sans vous faire violence ou vous le reprocher, revenez à vos sensations. Pour information : c’est le propre du mental de revenir bavarder par tous les moyens. C’est pour tout le monde pareil. Ce n’est pas vous qui avez un problème. L’important est de gentiment et doucement revenir à vos sensations chaque fois que vous en prenez conscience.
3. En résumé
Faire des exercices de sophrologie ou de relaxation, méditer, écouter des mp3 d’hypnose, faire du sport, ne sont évidemment pas les seules choses que vous pouvez faire. Mais vraiment, donnez vous cette chance d’aller mieux. N’en attendez rien de spécial, surtout pas de ne plus faire de boulimie.
Lorsque vous pratiquez l’une ou l’autre de ces activités, détendez-vous au maximum et essayez de toujours revenir à vos sensations (en vous attachant à ressentir vraiment votre respiration, par exemple).
Évitez de vous imposer des contraintes de temps ou de performance. La seule chose qui vous permettra de dire que vous en avez fait assez est l’apparition d’une certaine sérénité, qui ne viendra jamais si vous laissez vos pensées vous envahir.
Durant les périodes d’anxiété et d’agitation extrêmes, essayez de pratiquer au moins l’une de ces activités tous les jours. Si besoin, n’en faites que cinq minutes, ou même une minute, chaque fois que vous en avez le courage. Je vous promets que cela ne sert pas à rien! Quelques minutes seulement changent beaucoup de choses.
Dans les articles suivants de ce blog, nous verrons que notre état d’anxiété quotidien provient de croyances très ancrées sur le monde, la vie et les autres. Pour aller mieux, il ne suffira pas de comprendre les phénomènes que vous vivez, il faudra utiliser votre énergie pour changer votre expérience de vie au quotidien. C’est ainsi que vous vous sortirez de votre dépendance alimentaire…
… MAIS! Cela demande beaucoup de courage et de persévérance. Si vous ne vous offrez pas de pauses mentales et ne travaillez pas à calmer votre anxiété, vous ne pourrez rien améliorer du tout.
En consacrant dès maintenant votre énergie à acquérir des méthodes pour vous apaiser et vous distancier de vos pensées, vous vous rendrez compte de leur omniprésence et de leur pouvoir d’influence énorme sur notre quotidien.
Dans tous les cas, souvenez-vous qu’il ne suffit pas de pratiquer du sport ou d’écouter un podcast pour que “ça marche” : il faut vraiment, vraiment chercher à vous centrer sur votre présence et vos sensations (même si elles sont désagréables), vraiment être présent à ce que vous faites.
L’effort de lâcher-prise durant la pratique est tout aussi important que la pratique elle-même.
✨✨✨✨✨
J’espère que cet article vous aura donné des outils pour aller mieux, dès maintenant. Et vous, quelles sont vos méthodes à vous pour lâcher-prise et être plus serein(e) au quotidien ?
Avez-vous des lectures, des références à suggérer ? Peut-être des ressources en ligne ? Je vous invite chaudement à les partager en commentaire:)
Si vous aviez des questions ou des suggestions que vous souhaiteriez me transmettre directement, n’hésitez pas à m’écrire à bouledevie@gmail.com. Je me ferai un plaisir de vous répondre personnellement 🙂
Vous pouvez également suivre Boule de Vie sur Twitter et sur Instagram.
Très amicalement,
💛 Masha


2 Comments
Marillon
Très bel article, remplie de bon tuyau pour tout le monde
Merci 🙏💜
Bouledevie
❤️