
L’obsession du poids-cible : l’atteindre, le conserver
58 kilos. C’était ça, mon poids-cible.
Comment atteindre et conserver mon poids-cible ?
C’était mon obsession quotidienne. Je ne pensais qu’à ça.
Quand je ferai 58 kilos, je serai belle, puissante, féminine. Toutes les portes s’ouvriront. Les gens m’admireront.
58 kilos, c’est un poids que j’avais atteint très péniblement lorsque j’avais 16 ans et que j’avais travaillé toute une saison, 12 heures par jour en moyenne, en tant que serveuse dans un restaurant en montagne.
Autant dire qu’à moins de m’affamer et de tenir un programme de sport draconien quotidien, c’était impossible à tenir. Mon poids à moi, le « poids de forme » comme on dit, se situe entre 65 et 70 kilos.
Pourtant, j’ai longtemps gardé en tête cet objectif : 58 kilos.
Certaines de mes clientes me disent qu’elles aussi ont un “poids-cible” en tête. Elles déploient des efforts quotidiens pour atteindre et conserver ce poids-cible. Et quand elles l’ont péniblement atteint, elles font tout pour essayer de le conserver.
Comme je l’avais fait moi, ce poids est généralement fixé de manière très sévère, à partir d’une référence impossible à tenir dans la vraie vie. Je pense à une jeune femme qui par exemple a pris comme référence un poids qu’elle avait atteint lors d’un épisode de maladie qui l’avait complètement affaiblie. Une autre gardait en tête un poids atteint lors d’une phase anorexique.
Le poids-cible est rarement un poids de santé, c’est plutôt un poids de torture.
Et ce n’est surtout pas juste un chiffre sur une balance.
C’est un droit d’exister.

En-dessous de ce poids, tout va bien, elles se sentent puissantes, voire au-dessus des autres, aptes à affronter la vie sociale.
Au-dessus de ce poids, la honte de soi refait surface.
Et évidemment, plus elles sont éloignées de ce poids, plus elles se sentent moins que rien.
C’est comme si soudain elles ne valaient plus rien.
Comme si elles ne méritaient même pas d’être parmi les autres.
Comme si elles étaient trop méprisables pour se montrer.
Elles n’ont plus le droit d’exister.
Elles évitent de sortir de chez elle et, si elles doivent vraiment le faire, elles sont enveloppées d’un manteau de honte.
La pire chose qui puisse se passer alors, c’est de croiser quelqu’un qu’on connaît « alors qu’on est dans cet état-là ».
Comme si un élément physiologique multifactoriel déterminait directement leur valeur.
De l’extérieur, ça paraît fou. « Tu n’es pas ton poids » ; « Tu es assez » ; « Tu n’es pas un chiffre sur la balance » ; « Ton poids ne détermine pas ta valeur. »
Ouais. Elles ont beau le savoir, le comprendre intellectuellement, à l’intérieur, ça fait mal quand même. C’est plus fort qu’elles.
Je le comprends, je suis passée par là. Proche de ma cible, je me sentais invincible. Loin de ma cible, j’étais rien, plus rien. Je préférais me cacher.

3 Comments
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Anonyme
Très parlant malheureusement …
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